Low Tech et numérique

Le numérique est souvent perçu comme une solution propre, dématérialisée et innovante. Parallèlement, le mouvement "low tech" gagne du terrain, porté par la nécessité de repenser notre rapport à la technologie dans un contexte de crise écologique et de raréfaction des ressources. Ces deux mondes, à première vue opposés, peuvent-ils converger ? Peut-on imaginer un numérique plus sobre, plus résilient, plus humain ? Cet article explore les possibles articulations entre low tech et numérique.

Comprendre la low tech

Le terme "low tech" renvoie à des technologies simples, peu coûteuses, facilement réparables et durables. Popularisé par l'ingénieur Philippe Bihouix, le concept s'oppose à la logique de sophistication croissante de la high tech. La low tech préconise une approche pragmatique : créer des objets utiles, pensés pour durer, adaptés aux besoins réels des utilisateurs.

Des exemples concrets abondent : fours solaires, vélos cargos, réfrigérateurs sans électricité ou systèmes de captation d’eau de pluie. Ces technologies, souvent issues de savoir-faire anciens ou réinterprétés, répondent à un impératif de sobriété et de résilience.

Le numérique : une fausse immatérialité

Si le numérique semble "léger", son infrastructure repose sur des matériaux très concrets : terres rares, énergie, eau. La fabrication des smartphones, ordinateurs, data centers ou objets connectés est extrêmement gourmande en ressources. L'utilisation même du numérique génère une consommation énergétique massive : envoi de mails, streaming, intelligence artificielle...

L'obsolescence programmée et le renouvellement fréquent des appareils aggravent cette empreinte. Les gains d'efficacité apportés par le numérique sont souvent annulés par des effets rebond : plus de puissance disponible entraîne plus de consommation.

Quand low tech et numérique se rencontrent

Peut-on concevoir un numérique "low tech" ? Plusieurs initiatives tendent vers cette idée : développement de logiciels légers, réduction des dépendances aux serveurs centralisés, mise en place de systèmes auto-hébergés. Des collectifs comme le Low Tech Lab, Framasoft ou des activistes du mouvement Solarpunk proposent des pistes concrètes pour un numérique plus frugal.

On peut citer par exemple des serveurs fonctionnant à l'énergie solaire, des sites web ultra-optimisés (comme celui de Low Tech Magazine), ou des logiciels open source nécessitant peu de puissance de calcul. Ces projets montrent qu'un autre numérique est possible, moins dépendant des grandes infrastructures industrielles.

Vers une hybridation souhaitable

L'objectif n'est pas de rejeter le numérique, mais de le repenser. Il s'agit de concevoir des outils qui répondent à de vrais besoins, sans chercher la performance ou l'innovation pour elles-mêmes. Cette hybridation entre low tech et numérique implique aussi une transformation culturelle : redécouvrir la valeur de la lenteur, de la réparation, de la maîtrise technique.

L'éducation joue ici un rôle clé. Sensibiliser aux enjeux de sobriété numérique, apprendre à coder de façon efficiente, à réparer un ordinateur ou à auto-héberger un service, ce sont autant de compétences à valoriser. Il faut aussi accepter certaines limites : tout ne peut (ni ne doit) être numérisé.

Conclusion

La convergence entre low tech et numérique n’est pas un paradoxe, mais une nécessité dans un monde aux ressources finies. Cela suppose de faire des choix technologiques plus responsables, éthiques et durables. En dépassant la fascination pour la nouveauté, nous pouvons inventer un numérique au service du vivant, ancré dans le réel, accessible et soutenable. Le futur ne sera pas forcément high tech, mais il peut être intelligent, frugal et solidaire.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Découvrabilité des contenus numériques : un enjeu majeur pour la culture et la société

La Blockchain au service de l'Economie Sociale et Solidaire

Impact du numérique sur l'environnement et le vivant